L’ACÉDIE
La torpeur spirituelle
Méconnue par les experts et crainte par les autorités de l’Eglise, l’acédie est la maladie spirituelle par excellence. En plongeant les plus fervents adeptes dans une torpeur spirituelle, l’acédie fragilise la foi et instigue le doute dans le plus beau des refuges qu’est l’âme.
Les prêtres et les moines touchés par l’acédie sont bien souvent méjugés et dénigrés par leurs pairs qui craignent une contagion de ce mal qu’ils méconnaissent. Cela a pour principal effet d’accentuer le problème dont le dénouement correspond bien souvent en un abandon pur et simple des engagements fondamentaux du fidèle incriminé.
Cet court écrit a pour objectif de décrire cette maladie spirituelle et d’apporter des pistes de solutions pour en tenter la guérison.
En vous souhaitant une bonne lecture,
Septimus Kromann
Remise en contexte : Le terme Acédie possède une étymologie complexe qu’il n’appartient pas à cette étude de décrire en profondeur. Les origines étant méconnues de nombreuses théories existent mais s’accordent sur une signification mélangeant indifférence, négligence et paresse. Nous le verrons plus loin, ils s’agit en effet des symptômes qui en permettent le diagnostique.
La première utilisation de ce terme dans l’usage que l’ont lui prête dans cette étude est difficile à dater. En effet, cela fait de nombreuses années que les dignitaires de l’Eglise de la
Lumière ont à regretter la perte de foi, de « motivation » à la prière et à l’activité religieuse de certains de ses prêtres. Dans de plus rares cas, ce sont également les plus zélés des fidèles qui sont touchés. Il va sans dire que la problématique intrigue et inquiète. La foi des fidèles en la Lumière est à l’Eglise ce que l’eau est à la plante.
Depuis la troisième guerre les cas d’acédie se font légèrement plus rares. La foi utilisée et parfois déformée pour et par les actes de guerre m’apparaît être de moins en moins une finalité de vie. Rares sont les individus à chercher la spiritualité lorsque la guerre et la mort frappent à toutes les portes, -alors que c’est peut-être en ces temps qu’il serait le plus nécessaire de la (re)trouver-. Or, c’est bien souvent la spiritualité parfaite que recherchent les individus touchés par l’acédie.
L’environnement belliqueux est d’autant plus néfaste pour les acédique que leurs pairs voient en leur incroyance et indifférence un signe de faiblesse morale. Inutile de préciser que la faiblesse n’est que peu tolérée lorsque la guerre gronde ou que des tensions existent.
Caractéristiques et symptômes : Les caractéristiques de l’Acédie sous sujettes à débat. Tout d’abord, certains ne la reconnaissent pas comme maladie mais comme symptôme (ce qui sera détaillé au point suivant). Médecine mise à part, que l’acédie soit un symptôme d’une maladie ou une maladie en elle-même ne change pas les éléments pouvant être observés chez ceux qui en souffrent.
Elle se caractérise tout d’abord par un dédain soudain et tenace des pratiques religieuses et spirituelles. Ainsi, l’acédique ne prendra plus plaisir à la prière, à officier et à écouter les confessions de ses fidèles. Epris de fatigue spirituelle, le malade ne trouvera plus la force d’œuvrer au service des autres.
La fatigue physique et mentale est également un symptôme important. L’acédique sera appelé par le sommeil bien plus qu’à l’accoutumée. Il sera tenté d’éviter le travail physique et mental et oeuvrera à l’oisiveté comme jamais il ne l’aurait fait auparavant. Son corps présentera d’ailleurs les signes d’une fatigue traditionnelle qu’un médecin soignerait par le repos.
Le souffrant ne souhaitera plus rencontrer ceux qu’il chérissait jusqu’à lors. Il sera touché par un désintérêt envers autrui qui marquera évidemment ses proches. Un sentiment important d’abattement et de tristesse le saisira à tout moment et l’empêchera d’entreprendre quoi que ce soit. Il ne cherchera plus la présence d’autrui et s’isolera si l’on le laisse faire.
Finalement, ses capacités intellectuelles s’en trouveront également diminuées. Il ne semblera plus à même de réfléchir comme il l’aurait fait par le passé. Il ne prendra plus de décision, peinera dans l’écriture ou l’exercice de l’art. Dans des cas plus rares, l’individu se maintiendra dans le mutisme.
Deux théories : Deux grandes théories existent pour expliquer les causes de l’acédie et des remèdes à y apporter : La théorie de défaillance et la théorie de l’excès.
La théorie de la défaillance considère que l’acédie touche les individus dont la foi en la Lumière n’est pas assez pure. Tel un mur dont les fondations seraient ébréchées, l’acédique n’avait pas la force suffisante de croire pour résister aux épreuves de la vie. Dans cette théorie endogène, il appartient aux fidèles de trouver en eux la force de croire pour combattre leurs doutes.
La théorie de l’excès abonde dans l’autre sens. Les individus touchés par l’acédie sont les victimes d’un excès de zèle spirituel. Tel un maçon enthousiaste qui se retrouverait écrasé par le mur, trop haut et trop lourd, qu’il aurait construit trop vite. Dans cette théorie, il appartient à l’entourage de l’acédique de l’aider à se reconstruire, progressivement et lentement.
La première théorie est plus traditionnelle, voir traditionnaliste. La seconde est influencée par le développement de la psyologie moderne en tenant compte davantage de la résistance de l’esprit que de la foi. Je donne plus de crédit à la théorie de l’excès, que je défends dans ce travail.
Des remèdes : La théorie de la défaillance invitera l’acédique à se repentir pour son manque de foi et d’humilité. Les plus compréhensifs l’accompagneront dans cette démarche tandis que les autres le dénigreront pour son impiété et son indolence. Des remèdes plus extrêmes encore existent mais, faisant l’apanage de la violence, je considère qu’ils n’ont pas leur place dans cet écrit et perdent beaucoup à être portés par des hommes de foi.
La théorie de l’excès insiste sur l’importance de l’accompagnement de l’individu, sans toutefois tomber dans l’excès d’assistance. Il est important que l’acédique puisse se reconstruire progressivement, à son rythme, pour qu’il puisse à nouveau croire et se développer dans la spiritualité. À vouloir précipiter les choses le risque serait de détourner durement et fortement l’individu de toute forme de croyance.
Dans un premier temps, il convient de laisser de coté la perte de foi et de privilégier la valorisation de petites œuvres manuelles ou intellectuelles. Le fait d’agir permettra à l’individu de retrouver un certain nombre de valeurs auxquelles se raccrocher.
Dans un second temps, l’individu se reconstruira sur base de ses nouvelles valeurs et préoccupations. Un prêtre pourrait, par exemple, être chargé des comptes de l’Eglise, à l’administration ou sortir totalement du cadre religieux en travaillant dans les champs, … Les possibilités abondent et nécessitent parfois un changement de vie radical.
Dans un troisième temps, l’individu reviendra vers la spiritualité qu’il aura trouvé et retrouvé au travers de ses nouvelles valeurs. C’est sur des bases plus solides qu’il pourra se reconstruire et œuvrer à nouveau en tant que prêtre, ou non, mais toujours pour le bien de la communauté.
Universalité : Cet écrit a été principalement orienté vers le culte de la Lumière, au sein duquel les cas d'acédie existent. Sans en avoir prouvé l'universalité, il est à penser qu'aucun culte n'est épargné par cette maladie.
Les facteurs explicatifs et les remèdes diffèrent probablement d'un culture et d'une culture à l'autre. Des études comparatives permettraient peut-être d'étayer le sujet et d'y apporter une dimension bien plus vaste et générale.
Remerciements : Je tiens tout d'abord à remercier les prêtres et prêtresses ayant pris le temps et le soin de répondre à mes questions concernant l'acédie. Ces moments de partage étaient des plus instructifs.
Je remercie enfin ma communauté, le Salon, qui m'offre la possibilité de m'affranchir de mes convictions et de faire naître de pareilles réflexions.
Un remerciement tout particulier à Kolben Fracassor, Chancelier du Salon et ami, qui me soutient dans mes démarches et prend un soin tout particulier à gérer l'organisation à laquelle nous appartenons.